Avoir une tendinite au pouce n’a pas que des inconvénients (1- avoir l’air très légèrement ridicule en l’annonçant 2- se faire traiter à demi-mots de senior par son médecin traitant). En effet cela a comme effet immédiat , l’augmentation de mon temps de lecture et comme je ne voulais pas multiplier les billets, je vous en propose un petit récapitulatif .
Les Brésiliens
Direction le Brésil pour ce nouveau titre de la collection Lignes de vie d’un peuple (dont j’avais eu l’occasion de lire le titre les Islandais). J’avoue que je m’attendais à un contenu un peu plus léger, peut-être parce qu’à force de lire des articles de touristes on en a une image assez cliché. L’auteur Marie Naudascher est journaliste indépendante au Brésil depuis 2010 et si elle insiste sur le fait qu’en tant que touriste justement on est toujours très bien accueilli dans ce pays, la réalité sociale et économique est assez loin des plages de sable blanc et des filles parfaites en bikini. Elle a opté dans cet ouvrage pour une grille de lecture plus économique que sociologique, le sujet du livre étant plus les grandes questions et les grands défis que traverse aujourd’hui ce pays que les Brésiliens aux mêmes. Entre les favelas, le racisme envers les noirs (alors que c’est un pays qui a connu tellement de vagues d’immigrations), l’économie intensive et ses conséquences sur l’écologie (partout le même schéma et la même impression qu’on fonce dans un mur mais qu’on continue quand même parce que la seule motivation est toujours plus de gain, d’argent …assez désespérant), la distribution des terres et le peuple indien, la violence urbaine, le tableau m’a semblé assez sombre. Le dernier chapitre se veut plus positif insistant sur la société civile qui se réveille à travers la création d’une presse alternative par exemple.
Venise n’est pas en Italie
Changement de décor avec Venise n’est pas en Italie. Émile 15 ans vit avec ses parents à Montargis dans une caravane et a le béguin pour une fille de son lycée. Quand cette dernière l’invite à Venise où elle va donner un concert, Émile est fou de joie. Coup de théâtre, ses parents lui annoncent qu’ils l’accompagnent. Épousant le point de vue de cet adolescent qui se confie à son journal, ce roman mêle humour et émotion, dit avec justesse les premiers émois amoureux et cette difficulté à trouver sa place dans une famille quand on se sent différent. Les parents d’Émile sont prêts à tous les sacrifices pour que leur fils réussisse et pour lui faire plaisir mais ils ont parfois de drôles de lubies (ils lui teignent les cheveux en blond !) et ne sont pas toujours très discrets. Les sentiments d’Émile à leur égard oscillent entre la honte (et la honte d’avoir honte) et des élans d’amour. Le roman prend aussi des allures de road movie initiatique quand la famille, auquel vient se joindre le grand frère, part en Italie.
Mon amour,
La couverture me plaisait, l’accroche aussi et quand j’ai lu sur la quatrième de couverture que Mon amour, prenait la forme d’un roman épistolaire, il ne me fallait pas d’autres arguments pour que le livre rejoigne une pile déjà bien haute sur ma table de chevet. Au début j’ai cru que cette femme, très jeune maman, et cet homme, musicien en tournée à travers le monde et parti pour des concerts juste quelques jours après la naissance de leur fille, s’écrivaient réellement. Et puis j’ai compris que les lettres étaient juste des missives qu’ils imaginaient (ou qu’ils n’envoyaient jamais) et qu’il n’y aurait pas vraiment de dialogue entre eux (ou des dialogues parallèles). J’avoue aussi que l’un comme l’autre m’ont vite agacé : elle si totalement autocentrée sur la moindre respiration de son nouveau-né, lui se lamentant sans cesse des mauvaises critiques et se consolant dans les bras d’une maîtresse régulière. Au delà de mon peu d’empathie pour l’un comme pour l’autre, je n’ai pas cru en leur histoire, les pages sont restées du papier et n’ont jamais pris vie dans ma tête.
Le Sculpteur
J’aurais aimé avoir un coup de cœur pour ce roman graphique de 500 pages qui revisite le mythe de Faust. Le héros du sculpteur pactise en effet avec le diable qui s’incarne sous les traits d’un oncle décédé : parce que David Smith veut laisser à tout prix sa trace à travers son art avant de mourir, il accepte de donner sa vie contre des talents exceptionnels qui lui permettent de sculpter n’importe quelle matière avec ses mains. Le style est classique, les dessins en noir et blanc, les thèmes abordés ambitieux (le sens de la vie, la création, l’amour) mais peut-être parce que c’est trop calibré, peut-être parce que je n’ai pas assez de repères/ culture en bande dessinée, l’enthousiasme n’était pas au rendez vous.
Houellebecq économiste
Houellebecq économiste est le livre le plus stimulant de mes dernières lectures. L’économiste Bernard Maris (parmi les victimes de la tuerie de Charlie Hebdo) propose de relire les romans de l’écrivain Michel Houellebecq à travers une grille de lecture économique (tout en égratignant pas mal au passage cette discipline qu’il ne considère pas comme une science, ses prédictions s’avérant souvent fausses écrit il). Je me suis toujours demandée en lisant des bouquins de Houellebecq s’il était proche de ses personnages, quelle était la part de lui dans chacun d’eux (avec aussi un certain malaise face à cette sexualité très tournée vers le plaisir masculin il me semble). Ce qui est certain c’est que Bernard Maris m’a donné envie de relire ou lire les romans de l’écrivain au regard de ce nouvel éclairage : une critique de la société de consommation qui pousse à la déshumanisation. C’est écrit avec humour et c’est accessible même pour quelqu’un qui comme moi n’a jamais été très fortiche dès qu’il s’agit d’économie.