Je suis très embêtée parce que j’aimerais vous convaincre de ne pas vous laisser impressionner par le nombre de pages de ce pavé mais je ne sais pas comment vous parler d’Intérieur nuit (Night Fall en anglais). Je n’ai pas lu d’autres livres du même auteur, je n’ai donc pas de point de comparaison, je ne sais rien d’elle, si ce n’est que c’est une prodige et que son premier ouvrage, La physique des catastrophes, avait été largement acclamé . Il parait que ce livre est très proche de l’univers des films de David Lynch…problème je n’en ai vu aucun.
Ce que je peux vous dire, c’est que ce roman m’a occasionné un beau cauchemar (ok je suis une fille très impressionnable, je suis incapable de regarder Les Revenants ou alors planquée derrière le canapé en demandant « qu’est ce qui se passe ? » toutes les deux secondes), ce genre de cauchemar dont on se réveille en sursaut, en ayant l’impression de crier (vous savez quand vous voulez hurler dans votre rêve et qu’il ne sort de votre bouche qu’un petit cri étouffé ? ) et avec le soulagement de constater qu’il ne s’agissait pas de la réalité.
Je pourrais vous dire qu’il s’agit d’un thriller mais cela appauvrirait considérablement la richesse de ce roman, la complexité de sa construction, cela le ramènerait à des grosses ficelles qui n’existent pas ici.
Je pourrais vous parler de l’originalité de ces fausses pages qui émaillent le livre et qui, peu à peu, nous font glisser dans la peau du personnage principal, Scott McGratt, journaliste d’investigation, qui a perdu tout crédit aux yeux de la profession suite à sa dernière enquête sur le réalisateur de films d’horreur, Cordova. Or, voilà qu’il apprend que la fille de celui-ci, Ashley Cordova, a été retrouvée morte dans un entrepôt délabré.
C’est le début d’une quête pour la vérité, si tenté qu’une seule vérité existe. McGratt, flanqué de deux acolytes (Nora, une apprentie comédienne qui a aperçu Ashley peu de temps avant sa mort et Hopper un dealer lié à la jeune femme sans qu’on sache de quelle façon), incarne un homme rationnel. Confronté à des récits de magie noire, à des signes surnaturels, il nie tout en bloc…jusqu’au jour où ses certitudes commencent à s’effriter. Des certitudes, en tant que lecteur, impossible d’en avoir. Marisha Pessl nous balade magistralement et on se laisse entraîner dans ce tourbillon en acceptant d’avoir la tête qui tourne.
Intérieur nuit est le portrait en creux d’un réalisateur entouré de troubles secrets qui suscitent à la fois curiosité et engouement de fans, un roman policier classique avec des indices, des témoins, des rebondissements, un jeu de miroir entre poursuivi et poursuivant et un formidable roman d’ambiance qui nous enveloppe d’un épais brouillard.
Comment expliquer cette impression d’égarement que l’on ressent dans ce New York froid et hostile, le même égarement que celui de Scott MCGratt ? Comment expliquer ce basculement constant entre réalité et fantasmes sans que le livre ne soit de la science fiction (je n’en lis pas, je n’accroche pas du tout ).
Le mieux, je crois, est que vous le lisiez.