Parfois en lisant des critiques de films ou de livres, j’ai un léger malaise : j’ai l’impression de lire une personne qui n’aura jamais le 10ème du talent du gars qu’elle descend en flèches et qui « se venge » à coups de phrases assassines. Je n’ai pour ma part pas la prétention de vous proposer des critiques littéraires ou culturels. A chaque fois que je parle d’un roman ou d’un film, j’essaie plutôt de traduire pourquoi cela m’a plu (ou pas ) et quelles émotions cette création a suscitées.
Au cours d’une même semaine, j’ai fini une série, ai été deux fois au cinéma et lu un roman d’où le titre oh combien peu accrocheur de ce billet : )
Bloodline : sous le soleil ..de Floride
La série Bloodline m’a été conseillée par un instagramer lyonnais qui magnifie la ville à chaque photo qu’il poste (@_yavin) et que j’apprécie, sans le connaitre autrement que par écran interposé, parce qu’il me semble beaucoup moins râleur/ ronchon/ « critiquant tout le temps » à la mode twitter que pas mal de monde.
J’ai mis un peu de temps à vraiment rentrer dans l’histoire de la famille Rayburn (la famille dont il est coutume de dire que c’est la valeur sûre où se ressourcer, se reposer quoiqu’il arrive). Tout semble aller en effet pour le mieux dans les Keys (dans le sud de la Floride), les affaires prospèrent. La famille Rayburn est propriétaire d’un magnifique complexe hôtelier dans un décor à priori paradisiaque et fait figure de notables locaux quand le vilain petit canard de la famille, Danny, décide de revenir parmi les siens.
Le spectateur sait dès le départ que cela va très mal finir (construction en flash-back) mais tout l’enjeu est de savoir comment cette famille a priori bien sous tous rapports en arrive à cette fin violente. Petit et petit sont révélés les secrets et les cicatrices de ce petit monde dont l’équilibre semble soudain bien précaire. Comme dans toute bonne série, chacun des personnages gagne en épaisseur : John écorne au fil de la saison son image de gendre parfait; Danny est tour à tour inquiétant, inspirant une certaine pitié, cinglé et terriblement lucide.
La tension monte tout doucement (personnellement j’ai vraiment accroché à partir de l’épisode 3) alors qu’on savoure de plus en plus la qualité d’interprétation des différents acteurs et les paysages à la fois très photogéniques et effrayants.
« Nous ne sommes pas de mauvaises personnes, nous avons juste commis une mauvaise action… » John Rayburn
Julieta : portrait de mère
Il y a des réalisateurs auxquels je suis fidèle quelque soit l’accueil que reçoit leur film et c’est le cas de Pedro Almodovar parce que j’ai toujours été embarquée dans la façon dont il raconte des histoires et que j’aime le regard qu’il pose sur les femmes. Dès les premières images du générique de Julieta, on sait qu’on est dans son univers avec le rouge de ce peignoir qui flotte derrière le nom des acteurs, actrices et participants au film, ce rouge passion, ce rouge sang, ce rouge violent.
Pas de personnages excentriques cette fois, pas d’humour (est ce ce qu’on lui reproche ?), mais un drame, celui d’une mère Julieta, qui » a perdu » sa fille depuis 12 ans, ne sachant même pas où cette dernière habite. J’ai peut-être un degré d’empathie proche du pathologique mais pendant 1h30 Julieta c’était moi et je suis ressortie de la salle avec les yeux d’un lapin ayant la myxomatose.
Il y a des scènes de film dont on se souvient toute sa vie : celle de la rencontre amoureuse dans le train en fera sans aucun doute partie (pourquoi dans la vraie vie on se retrouve assis à côté d’un gars qui déballe un sandwich au pâté 5 minutes à peine après le départ du train plutôt que de tomber sur un beau pêcheur espagnol ?)), celle où l’enfant devient le parent de son propre parent (surtout lorsqu’on l’a vécu) est très forte aussi.
Je n’ai pas compris les avis au mieux tièdes sur Julieta alors qu’il y a une telle maîtrise de la chronologie (Almodovar nous balade entre flashback, accélérations et ellipses), cette façon de construire cette histoire (inspirée de 3 nouvelles d’Alice Munro) comme un puzzle où chaque scène a son importance à posteriori.
Peut-être que ce film est trop noir (mettant en exergue la fragilité des liens entre les personnes et une vie rongée par la culpabilité et par la perte) pour susciter le consensus mais j’ai beaucoup aimé sa beauté triste.
Cafe Society : faussement sucrée
Le dernier film de Woody Allen, Cafe Society, est beaucoup plus léger (qualifié par certains de friandises, il n’a pas le cynisme de L’homme irrationnel) et beaucoup plus drôle que Julieta. Là encore j’ai eu l’impression de retrouver un vieux ami dès les premières notes de jazz du générique et ici sous les traits de Jesse Eseinberg dont la gestuelle, les postures, le phrasé ne peuvent qu’évoquer le réalisateur.
Certes Cafe Society se passe entre Hollywood et New York dans les années 30, ce qui lui donne une ambiance très glamour, certes Woody Allen nous dresse une galerie de portraits réjouissants entre le frère gangster, les parents qui passent leur temps à s’invectiver, le beau frère, certes les dialogues fusent et percutent, certes il s’agit (encore ?) d’un chasse croisé amoureux mais sous ces apparences badines, il y a toujours l’idée qu’on n’est jamais vraiment heureux .
« J’ai un public de déprimés fidèles », Woody Allen.
Les petites consolations : un roman choral post 11 septembre
Eddie Joyce était avocat et avait peut-être la plume qui le démangeait énormément. Un jour il a décidé de se lancer et il a écrit un roman choral retraçant l’histoire d’une famille italo-américaine et traduit dans une dizaine de langues (peut-être qu’il a mis 10 ans à écrire ce livre mais ça me fait quand même « rêver »).
Je suis désolée pour ceux et celles qui me lisent depuis quelques années et vont avoir le sentiment que je radote sérieusement mais j’ai un gros penchant pour les romans choraux, ceux qui nous plongent dans l’histoire d’un groupe (finalement comme dans une série).
Le point de départ Des petites consolations est la mort de Bobby, lors des attentats du 11 septembre. Quelles répercutions a t-elle eu sur les membres de la famille? Alternant les voix qui portent le récit (et réussissant ainsi à le rendre addictif), Eddie Joyce entre dans l’intimité de chacun, s’interrogeant sur la façon dont on vit le deuil et comment on « poursuit » sa route. De Gail, la mère (un des personnages les plus attachants, « mains froides, coeur chaud ») à Tina, sa femme en passant par Peter, l’auteur dresse une galerie particulièrement réussie.
Malgré quelques passages moins réussis, on sent combien Eddie Joyce aime ses personnages (tout comme Pedro Almodovar et Woody Allen) et c’est pour cela qu’on n’a pas envie de les quitter.
16 Comments
Je note le livre, tu es de bon conseil et j’aime aussi cette histoire de chorale ^^
Woody Allen je passe, j’ai jamais accroché.
Almodovar j’adore mais il faudrait que j’ai le temps d’aller au ciné et c’est pas gagné.
Et pour finir, cette série je n’ai pas réussi à aller au delà de la moitié du second épisode. J’aurais dû m’accrocher peut-être…
pour la série, c’est long à s’installer mais une fois qu’on a envie de connaitre la suite
pour le film, un week end ?
J’envie tes activités culturelles ! De mon côté, aucun ciné depuis janvier, pas plus de séries, et un seul livre que j’ai du mal à garder ouvert plus de 10 minutes le soir… Mais comme d’habitude, je note tes bons conseils (d’ailleurs, je suis en train de lire Transatlantique et je crois me souvenir que tu en avais dit le plus grand bien !).
ma façon de m’évader faute de pouvoir voyager ; )
et le soir j’éteins l’ordinateur de plus en plus souvent pour faire autre chose
Woody Allen, pour moi, c’est demain si tout va bien! J’essaie d’aller voir ses films au ciné à chaque fois, je suis un fan de ses films depuis… très longtemps (j’aime distinguer l’homme de l’artiste néanmoins).
En revanche, j’ai commencé la série Bloodline, parce qu’il y a Kyle Chandler dedans et j’ai toujours adoré cet acteur depuis la série Demain à la Une, puis Friday Night Lights! Bref, je n’ai vu que le 1er épisode pour le moment, mais j’ai adoré l’atmosphère qui se dégage de cette série, la tension perpétuelle, la moiteur, la dramaturgie dans un coin de paradis, bref, cette série a tout pour me plaire. J’ai vu qu’il y avait une saison 2, ça va encore faire beaucoup de temps passé devant la télé, je croise les doigts pour qu’il pleuve beaucoup cette été, sinon je n’aurai jamais le temps de tout regarder!
ah heureux hasard pour Bloodline, j’ai découvert Kyle Chandler et c’est sans conteste l’acteur le plus épatant du casting
par contre pour la saison 2, je ne suis pas sûre de la regarder (j’ai peur que les scénaristes tirent trop sur la corde)
J’ai vu Café Society du coup, et j’ai plutôt apprécié. C’est clairement une oeuvre mineure chez Woody Allen, mais y’a toujours le plaisir de retrouver un esprit, une ambiance, une pensée typique. C’est agréable d’entrer dans le film, on s’y sent bien. Pour le reste, y’a quelques bonnes répliques, quelques traits d’esprit sympa, mais c’est pas ce qu’il a fait de plus intéressant.
Reste qu’il est toujours aussi bon à diriger ses acteurs, j’ai trouvé le jeu des 2 actrices principales très bon (alors que je ne les aime d’habitude pour les qq films que j’ai vus avec elles), qu’il aime toujours autant égratigner les religions, et rien que pour ça, j’adore!
je te rejoins ce n’est pas SON chef d’oeuvre mais il n’y a que lui pour parler ainsi du judaïsme (d’ailleurs je n’ai pas encore vu Hannah et ses soeurs et je crois que c’est un des films où il en parle le plus), il montre un visage de Kristen Steward assez inhabituel et on est plongé dans une époque, dans un lieu dans lesquels on s’évade pendant 1h30 avec plaisir
Cela fait si longtemps que je n’ai pas été au cinéma, un comble…
Je suis d’accord avec toi, je ne prétends pas être critique mais juste livrer un ressenti tout personnel. Il y a parfois du systématisme (c’est un livre ou un film d’untel donc on va le descendre) que je ne comprends pas bien, je préfère attendre de voir par moi-même.
allez hop au cinéma : )
Je suis d’accord avec toi concernant Julieta, je l’ai vu hier et j’ai beaucoup aimé! Cafe Society aussi m’a bien plu, comme quoi il vaut toujours mieux se faire son propre avis!
du coup quand je tiens vraiment à un film, j’essaie de lire les critiques après
Le livre me tente bien tout comme le dernier Woody Allen. Mais cela attendra un visionnage DVD! 😉
j’ai des DVD aussi de côté (mais pas le temps )
Les Petites consolations me tente beaucoup 🙂