L’année n’est pas tout à fait finie mais je ne pense pas prendre beaucoup de risques en affirmant que Au commencement était le 7ème jour de Luc Lang est mon dernier roman coup de coeur de 2016. D’ailleurs j’hésite sur le prochain livre à commencer, je sais qu’il risque de pâtir de la comparaison. Régulièrement ici je partage les lectures qui m’ont emporté (il y a aussi pas mal de livres dont je ne parle pas car ils m’ont moins enthousiasmé) mais celui là je le mets encore au dessus des derniers livres que j’ai chroniqués sur le blog .
Pourtant j’aurais pu tout à fait passer à coté. Je n’ai rien lu de cet auteur (professeur d’esthétique et on retrouve en effet un regard de peintre sur le monde dans ce livre) qui n’est pourtant pas à son coup d’essai. Le titre même du roman ne me donnait pas particulièrement envie de me plonger dedans (heureusement je suis tombée sur un avis d’Alice qui m’a donné immédiatement envie de le lire ).
Que signifie d’ailleurs ce titre ? allusion biblique et pause forcée dans la vie trépidante des personnages axée uniquement autour du travail (et du toujours plus de performance, de contrats, d’argent) ?
Le pitch ? Thomas, informaticien de 37 ans, et père de deux enfants, apprend une nuit à 4h du matin que sa femme, Camille, vient d’être victime d’un terrible accident de voiture sur une route où elle n’avait aucune raison de se trouver.
Ce n’est pas un thriller mais Thomas se lance alors dans une enquête (peut être sa façon à lui de ne pas couler en étant animé par la rage de découvrir les raisons de l’accident ) : il retourne sur les lieux de l’accident, il fouille la voiture, il interroge les collègues et les amis de Camille.
Au delà des doutes et questions liés à cet accident, cet évènement bouleverse tous les rôles sociaux de Thomas : celui d’époux (est ce que Camille était heureuse avec lui ? que connaissait il d’elle vraiment ?), celui de père (de père très absent par son travail, il se retrouve contraint à endosser toutes les responsabilités et à décider que dire et que taire aux enfants alors que leur mère se bat toujours entre la vie et la mort), celui de frère et de fils. Le sol devient mouvant, toutes les certitudes s’effondrent et Thomas, au fil des pages, redécouvre le passé de sa famille, le passé de sa femme.
Si l’histoire est très ambitieuse, construite en 3 parties (la première entre la banlieue parisienne et Rouen; la seconde dans les Pyrénées où vit son frère; la dernière en Afrique Noire que j’ai un peu moins aimé) c’est le style de Luc Lang qui m’a véritablement scotché. J’ai rarement lu un auteur autant au cœur des sensations : j’étais avec lui dans les couloirs de l’hôpital, je sentais l’odeur de l’éther et le tissu des petits chaussons bleus qu’on enfile avant de rentrer dans une chambre stérile; j’étais avec lui dans les montagnes des Pyrénées alors que je n’y ai jamais mis les pieds et je tremblais presque alors qu’il se laissait piéger par le froid de la nuit et par cette brume où l’on ne voit même plus sa main; j’étais avec lui sur cette plage du Nord me prenant une vague glacée et trempant mes vêtements.
500 pages cela laisse aussi la place aux personnages de gagner en épaisseur, d’évoluer (Thomas créé des logiciels qui contrôlent le temps de travail des gens mais il lui en faudra du temps pour avoir un œil critique sur ce « flicage »).
Ce n’est pas un roman « feel good », j’y ai laissé quelques larmes (donc si vous êtes à fond dans l’esprit gingle bells, reportez cette lecture à plus tard), beaucoup de questions restent en suspens mais ce n’est pas pour autant un livre plombant (en tous cas je ne l’ai pas vécu comme cela ). Il traduit avec force les petits bonheurs et plaisirs (des mets simples près d’une cheminée après avoir beaucoup marché; la bienveillance sans calcul de certaines personnes; la beauté et la magie de la nature) à contre courant d’une société qui nous fait croire que le bonheur c’est de consommer et d’avoir.
7 Comments
Ce livre m’a déroutée, je ne sais pas si je l’ai vraiment apprécié ou non. ça part dans tous les sens, c’est assez cafouilleux j’ai trouvé. Le style est travaillé mais m’a à de nombreuses reprises beaucoup agacée car trop lourd, trop prétentieux. L’histoire est touchante, on finit par s’attacher à Thomas, mais trop de questions demeurent sans réponses…
oui c’est dense, plus foisonnant que partant dans tous les sens pour moi et cela ne me gêne pas que beaucoup de questions restent sans réponse car cela est vrai aussi dans la vie il me semble
intéressant d’avoir ton point de vue et merci d’avoir pris le temps de laisser un commentaire : )
tu m’as complétement donné envie !
toi qui aime la montagne et la randonnée, je pense que tu vas beaucoup aimer la seconde partie …j’espère que tu me diras : )
Très heureuse que tu l’aies aussi aimé, car les avis ne sont pas unanimes 😉
Il a reçu le prix interallié et cela m’a ravie !
je ne savais pas que les avis étaient mitigés, en tous cas gros coup de coeur pour moi !