C'est un beau roman

11 raisons de lire Numéro 11 de Jonathan Coe

Je viens juste de refermer les 430 pages de Numéro 11, le dernier roman de Jonathan Coe et j’ai envie de lui envoyer sur twitter, un petit message plein d’emphase (du style « quel génie ! ») et surtout j’ai la ferme intention de vous donner envie de le lire. Comme c’est toujours un casse tête pour moi de parler d’un livre sans trop raconter l’histoire et que le chiffre 11 est central dans cet ouvrage, je vais tenter de vous convaincre de mettre Numéro 11 sur votre table de chevet en 11 raisons :

1) Durant toute ma lecture, je me suis demandée si Jonathan Coe s’était « éclaté » en écrivant ce roman ou si chaque page a été écrite avec sa sueur et des forceps (l’un n’empêche pas l’autre d’ailleurs) mais une chose est sûre, en tant que lectrice je me suis beaucoup amusée alors que le livre demande pas mal de concentration. Toutes les scènes de rencontre entre un jeune policier et une prof coincée dont il est amoureux sont par exemple particulièrement bien tournées.

Comme lui, elle avait dans les vingt cinq ans. Elle était extrêmement jolie et ne ménageait aucun effort pour que personne ne s’en aperçoive. Elle portait des pantalons informes et des pulls qui la noyaient, ne laissant rien deviner de sa plastique, qu’il imaginait d’autant plus librement. Ses cheveux sévèrement tirés en arrière lui inspiraient des fantasmes nocturnes enfiévrés ; il se représentait l’instant où elle les lâcherait et retirerait d’un même geste ses lunettes à monture d’écaille, lui soufflant la réplique culte : »Mais Lucinda, vous êtes belle ! »

2) L’auteur sème des numéros 11 (le 11 d’une rue, la ligne 11 d’un bus londonien, la table numéro 11 ….il faudrait le relire pour voir s’il ne pousse pas le vice à trouver 11 manières d’insérer ce chiffre 11) au fil des chapitres et c’est comme si on jouait à un « cherchez Charlie » littéraire

3) Avez vous lu la Maison du sommeil de Jonathan Coe ? à l’époque, j’avais été frappée par son imagination foisonnante, sa galerie de portraits très précise et aboutie, son ambition. On retrouve tous ces ingrédients dans Numéro 11.

4) Numéro 11 est divisé en 5 parties et nous emmène à Londres (dans les quartiers les plus huppés et les plus modestes), mais aussi en Australie (même si on n’en voit une facette très réduite) et en Afrique du Sud

5) Il y a un côté Dowton Abbey si vous connaissez la série, l’auteur croquant les très riches et leurs serviteurs mais un Dowton Abbey (qu’il égratigne au passage en évoquant la série à travers le discours d’un de ses personnages) beaucoup plus féroce

6) A chaque roman, Jonanthan Coe propose des œuvres très différentes (on n’a pas du tout l’impression de relire le même livre ni même de retrouver de manière un peu trop apparente des thèmes de prédilection, son précédent roman est une histoire d’espionnage que je vous conseille aussi ) mais toujours avec ce même humour brillant et corrosif

Et donc nous sommes à la veille du Grand Soir ? le bon peuple se prépare à monter sur les barricades, il astique la guillotine ? Je n’en crois rien. Qu’on lui donne assez de barquettes cuisinées et de soirées télé à regarder des célébrités se faire humilier dans la jungle, vous verrez qu’il ne voudra même plus quitter son canapé, le peuple.

7) En lisant Numéro 11, on lit à la fois une enquête policière, un roman fantastique, une critique sociale (tout le passage sur l’émission de téléréalité est excellent !), une méditation sur l’enfance, une colère déjà exprimée dans Testament à l’anglaise face aux choix politiques (Thatcher puis Tony Blair ), un portrait de l’Angleterre contemporaine

8) Ce foisonnement narratif est accompagné  d’une construction remarquable et absolument pas poussive  qui se traduit par exemple par  le fait que le roman s’ouvre et se ferme avec les mêmes personnages

9)  A mesure qu’on avance dans la lecture de Numéro 11 tout s’emboîte, tout s’explique, on réalise que toutes les intrigues ont un lien et tous les personnages se rejoignent dans la même toile

10) Enfin si la plume de Jonathan Coe peut être tranchante, elle n’a jamais pour moi le cynisme d’un Gaspard Proust (dont la posture, au dessus de tout le monde et désenchanté d’absolument tout, m’exaspère ) car elle est aussi émouvante et mélancolique.

Mes grands parents étaient plus proches l’un de l’autre que n’importe quels autres adultes de ma connaissance et cette proximité se traduisait non seulement par un besoin constant de contact physique, un refus de se perdre des yeux, mais aussi par un état permanent – comment dire ?- d’irritation affectueuse. L’un ne pouvait pas ouvrir la bouche sans froisser un nerf chez l’autre et lui provoquer un sursaut d’exaspération. Mais il ne fallait y voir qu’un symptôme de l’angoisse presque insupportable dans laquelle ils vivaient, ayant redécouvert l’amour qu’il se portaient à la perspective de se perdre.

11) la 11ème raison vous me la donnerez si vous le lisez ? )

Photo by Becky Maynes/Prog Magazine/TeamRock via Getty Images

 

Alors vous ai-je convaincu ? Avez vous  déjà lu des livres de Jonathan Coe ?

5 Comments

  1. Convaincue !
    (mais à chaque fois que je lis un de tes billets « lecture » je complète ma wish list !!!)

  2. Je n’ai pas beaucoup lu de romans de Jonathan Coe mais en général j’aime bien ce qu’il fait ! J’avais déjà repéré Numéro 11 et ton article me donne encore plus envie de le lire 🙂

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