Fin avril, j’ai traversé une bonne partie de la France, direction la Normandie (et Stone Charden de raisonner dans ma tête, oui j’ai des références très actuelles…c’était ça ou Gérard Blanchard..je crois que je viens de perdre mes lecteurs les plus jeunes )) pour assister et participer aux Rencontres de Cambremer.
Je connais assez peu cette région, mises à part les falaises d’Etretat et Giverny. Je l’admire régulièrement à travers les photos d’Anne-Laure T (qui m’a donné très envie d’aller à Chausey) ou d’ @alice_de_blondinie et sans grande surprise, j’ai repéré aux moins deux pâtisseries (Alban Guilmet et C & Choux) où j’aimerais aller à Caen.
J’ai découvert des paysages normands très bucoliques avec ses étendues vertes, ses champs de pommiers en fleurs, ses vaches et ses moutons, ses maisons à colombages et cette lumière si particulière.
L’Hôtel de charme Au Repos des Chineurs où j’ai posé mes bagages, était parfaitement raccord avec ce décor de carte postale du Pays d’Auge avec son jardin fleuri, ses chats et ses canards. La propriétaire voue une grande passion pour la vaisselle et le mobilier anglais et la particularité du lieu et que quelque soit la pièce dans laquelle vous vous trouvez, vous pouvez acheter un des objets qui vous entoure. D’ailleurs pendant le week-end, une chaise a « disparu ».
Dans cet ancien relais de poste datant du 17ème siècle, ma pièce préférée est sans hésitation, le salon où l’on peut bouquiner au coin de la cheminée, savourer un thé avec une pâtisserie maison l’après-midi et petit déjeuner le matin. …le tout dans une ambiance très british.
Pain frais, confitures, brioche….tout est fait maison pour le petit déjeuner et on a bien du mal à ne pas s’attarder
Les Rencontres de Cambremer, édition 2017
Venons-en à la raison de ma venue, les Rencontres de Cambremer, festival des AOC/AOP en Normandie créé en 1995. Si le village de Cambremer a été choisi, c’est parce que -au-delà de son incontestable charme- il est situé au début de la route du Cidre et au coeur du Pays d’Auge qui affiche avec fierté la production de 7 des 14 AOC/AOP normandes.
Pour rappel, un AOC/AOP est un produit alimentaire original et de qualité qui tient sa spécificité de son terroir. Les producteurs sont, eux-mêmes, responsables de leur Appelation d’Origine. Ils doivent suivre un cahier des charges très précis et proposent des règles de production, qui sont arrêtés par les pouvoirs publics.
Avec un AOC/AOP, on cherche avant tout la qualité (et pas la surproduction). Le fait de respecter des règles communes n’aboutit pas à une uniformisation du produit, celui-ci variant au contraire selon le terroir auquel il est lié.
Le festival, Les Rencontres de Cambremer, a lieu sur deux jours, il est libre d’accès (il faut juste s’acquitter de 4 euros par voiture à son arrivée et on vous donne alors un verre qui vous permettra de déguster les boissons présentes sur de nombreux stands). Il est un lieu de promotion, de découverte, de pédagogie des AOC/AOP et de rencontres avec les producteurs (vous pouvez bien entendu acheter des produits, il y a même des enfants avec des brouettes qui vous portent le tout jusqu’à votre voiture si vous êtes chargé). Le festival est aussi le cadre de réflexions autour de la notion d’origine de produits alimentaires (avec des conférences).
C’est un festival qui est à taille humaine, on accède facilement aux différents stands présents et au fil de la journée, on a le temps de connaitre les 14 produits reconnus en AOC ou AOP en Normandie (le Calvados, le Calvados Pays d’Auge, le Calvados Domfrontais, le Pommeau de Normandie, le Cidre Cotentin, le Cidre Pays d’Auge, le Poiré Domfront, les Prés-salés du Mont-Saint-Michel, le Camembert de Normandie, le Livarot, le Pont-l’évêque, le Neufchâtel, le beurre et la crème d’Isigny) ainsi que les produits en AOC et AOP d’autres régions de France.
Si on vous dit Normandie, à part Stone Charden, vous pensez aux fromages ? Ici il est partout : servi au restaurant Au P’tit Normand en entrée dans une tarte feuilletée à l’andouillette, dans les burgers, au cœur d’un concours de créations d’étiquettes pour une boîte de fromage, dans les ateliers enfant (ils peuvent apprendre comment on fabrique du camembert de Normandie, les 5 sens de la dégustation ou les accords du Comté par exemple).
Gérard Petit, fromager MOF passionné et passionnant, animait un atelier du Goût autour des accords entre le Pont-l’évêque (doux et crémeux en début d’affinage, plus intense en fin d’affinage; c’est la couleur de sa croûte qui permet d’en juger : plus il est orangé, plus son goût est prononcé), le cidre et le pommeau.
Après avoir fait macérer le Pont-l’évêque pendant 1h15 dans du pommeau et du cidre doux et l’avoir « roulé » dans des chips de pomme croustillantes, place à la dégustation. Une des choses que j’ai apprises lors de ce week-end est que certains fromages se marient très bien avec le cidre.
Pour qu’on puisse parler d’AOP, il faut que 50% des vaches qui produisent le lait soient de race normande et que 80% de leur alimentation soit produite sur l’exploitation. Les vaches doivent également pâturer au moins 6 mois au sein de la ferme.
Minute conso : attention quand vous faites vos courses en supermarché, de nombreux industriels utilisent pour le camembert l’appellation « fabriqué en normandie » et font passer un produit industriel pour un produit du terroir.
Périco LEGASSE (interview du Figaro datant 21 janvier 2017)– Le camembert «fabriqué en Normandie» est un leurre grossier et sa non-interdiction est en train de virer au scandale alimentaire. Comme le dit la loi, le seul camembert à avoir le droit d’user du terme Normandie est le «camembert de Normandie» dont l’appellation d’origine protégée (AOP) certifie qu’il s’agit d’un fromage normand élaboré avec du lait provenant de Normandie, c’est-à-dire de vaches élevées et nourries sur des pâturages de la région normande. À l’inverse, le camembert «fabriqué en Normandie» n’est soumis à aucune norme, aucune règle, puisque cette mention interdite par la loi signifie seulement que le fromage a été fabriqué dans une usine située dans le département du Calvados ou de la Manche, mais en aucun cas que le lait utilisé provient de ce territoire. Ce subterfuge a pour but de faire croire au consommateur qu’il achète un fromage normand, ce qui est faux car le lait utilisé pour le fabriquer peut provenir de n’importe quelle région du monde. On peut en effet fabriquer du camembert générique avec du lait importé de Pologne, de Roumanie ou du Brésil.
Bref pour faire court, on prend une fois de plus les consommateurs pour des couillons mais vous, en tant que consommateurs, vous avez le pouvoir de choisir un camembert DE Normandie avec l’étiquette AOC/AOP bien visible sur la boîte.
De tous les fromages AOC/AOP normands, mon préféré est le NeufChâtel (d’ailleurs si vous savez où je peux en trouver du bon à Lyon, je suis preneuse).
Le Portugal, invité 2017 des Rencontres de Cambremer
A chaque édition, les Rencontres de Cambremer accueillent un invité (région ou pays) et cette année, il s’agissait du Portugal et plus particulièrement le centre du Portugal. Ana Soeiro, directrice de Qualifica, qui est une association de producteurs de produits AOP et IGP portugais, a montré lors de son intervention, les richesses de son pays et a présenté les produits IGP en préparation. C’était passionnant et cela donnait vraiment envie de partir en voyage au Portugal.
Étaient donc présents sur plusieurs stands les produits du Portugal suivants :
-le Queijo (fromage) da Beira Baixa AOP, un fromage cylindrique à pâte molle et à croûte fine qui se décline en trois goûts
-le fromage Serrada da Estrela AOP, un fromage au lait cru de brebis à pâte onctueuse
-l’huile d’olive de Beira AOP à la saveur fruitée et dont il ne restait plus une seule bouteille le samedi soir
-le vin blanc et le vin rouge de la région du Centre Quinta Dos Platanos, appelation de Alenquer
-les Ovos de Aveiro IGP, littéralement les oeufs mous d’Aveiro, une douceur d’origine monastique dont la production remonte à plusieurs siècles.
Un des ateliers de cuisine était d’ailleurs consacré à cette confiserie dont l’extérieur aux motifs marins fait penser à de l’hostie et qui n’est composé que d’oeufs et de sirop de sucre (et de beaucoup de savoir faire).
J’ai aussi eu l’occasion de présenter ces ovos moles de Aveiro dans un dessert imaginé par Rémy Subileau, chef au Café Forges (situé à Beuvron-en-Auge). Je l’ai assisté lors d’un atelier où nous avons dressé un dessert mariant influences normandes et influences portugaises, à savoir une quenelle de mousse de teurgoule (la teurgoule étant un riz au lait cuit au four et un incontournable normand) servie avec des suprêmes de clémentine et un « topping » mixant noix concassées et biscuits ovos moles de Aveiro. Pas le temps d’être aux fourneaux et derrière l’appareil photo pour vous montrer le résultat mais j’ai pu en goûter une bouchée et c’était délicieux !
Mangez des pommes
Impossible d’aller en Normandie sans boire au moins du cidre mais pas n’importe lequel s’il vous plait : le cidre pays d’Auge AOP ou le cidre Cotentin AOP. J’en ai goûté dès le premier soir à Cambremer ainsi que du Poiré Domfront dont j’ai ramené une bouteille. En Normandie, d’après ce que j’ai saisi, le poiré est servi pour les fêtes comme du champagne.
Lors des visites des Caves Huet, j’en ai appris plus sur le processus de fabrication du cidre : les pommes sont ramassées à la machine (une machine avec balai) une fois au sol, elles sont lavées puis triées à la main, les pommes sont ensuite broyées, elles macèrent avant de passer au pressoir. On obtient alors du moût de pommes qui deviendra soit du jus de pomme, soit du cidre, soit du pommeau, soit du calvados.
Le pommeau est un alcool relativement récent, il est peu alcoolisé et personnellement je préfère cela au calvados. Le vieillissement, dans les deux cas, se fait dans des fûts en bois. C’est ce dernier qui apporte une coloration au calvados. Contrairement à du vin, le vieillissement s’arrête dès que le calvados est mis en bouteille.
La distillation du calvados AOC aux caves Huet, s’effectue dans deux alambics (un alambic à simple distillation et un alambic à double distillation). Le processus complet dure 18h …inutile de vous faire un dessin quant à la différence avec un produit industriel.
Autre taille d’exploitation, autres méthodes de travail (j’en retiens tout de même un travail très physique, si le propriétaire est un ancien prof de sport ce n’est pas un hasard !) avec la ferme du bout du chemin de Luc et Nicole Bignon qui produit 20 000 bouteilles de cidre vendues sur place.
On va voir les vaches ?
Mon week-end normand s’est terminé par la visite du Manoir de Grandouet, propriété de Stéphane et Lucile Grandval. Stéphane Grandval est à la fois producteur cidricole et laitier, il est très impliqué dans les Rencontres de Cambremer et dans la défense de la qualité des produits de la région.
l’instant « mais que c’est mignon ! »
Stéphane Grandval a installé un séchoir en grange de manière à ce que le foin reste humide . Il y ajoute de la luzerne indispensable à la mastication. Dans sa ferme, il n’y a pas d’ensilage de maïs, ce qui permet à la fois une autonomie alimentaire, l’élimination du risque de listeria et une meilleure qualité du lait.
une façon fort agréable de se quitter : )
Et vous, les produits AOC/AOP de la Normandie vous les connaissez ?
Un grand merci à Elsa pour l’invitation et pour son énergie, à l’agence Michèle Frêné Conseil, aux producteurs pour leur accueil et un petit coucou à tous mes camarades (Christelle de Cuisine de tous les jours, Muriel de Cooking Mumu, Anne-Laure de Chez Anne-Laure T, Sandra de Cuisine Addict, Létitia de Piment Oiseau, Sylvain de Un peu Gay dans les coings et Virginie de Plus on est de food Plus on rit), lors de ce week-end.
6 Comments
Anecdote : quand on était petits, ma petite soeur appelait les vaches normandes des vaches « gourmandes »… Je me suis dit en lisant ton billet que « la vérité sort de la bouche des enfants » ! 😉
elle avait vu juste : )
Tu as bien raison pour le camembert… Perso, je n’aime pas ça alors je n’en achète que très rarement mais chaque fois, je le prends chez mon crémier car justement c’est « du vrai camembert de Normandie ».
D’ailleurs, c’est vrai aussi pour le cidre et le poiré… On en trouve en supermarché produit par les gros pressoirs industriels et ils n’ont clairement pas du tout le même goût que les produits plus artisanaux… Après, je reconnais qu’il n’est pas forcément aisé dans nos contrées de trouver du Poiré de Domfront (mais j’ai un plan en Drôme pour ça quand même… )
(faut pas le dire mais je n’aime pas cela non plus le camembert ))
un plan pour le Poiré de Domfront ? hum hum : )
Bon alors, on repart quand…??? 😉
*
je me sers de guide es Normandie ? : )