Si je devais placer une tête d’épingle sur tous les endroits où j’ai pu « aller » grâce aux livres, je crois que je serais une super globe-trotteuse. Ainsi grâce à ma dernière lecture, j’ai été télétransportée en Italie à Naples puis en Arabie Saoudite et à Cuba.
L’enfant perdue d’Elena Ferrante
J’ai attendu longtemps avant d’ouvrir le dernier tome de la saga italienne d’Elena Ferrante comme pour reculer le moment où je dirais au revoir à Lila, Lenu et tous ceux dont je suis la vie depuis l’enfance et l’Amie prodigieuse. Comme à chaque fois, les premières pages j’en ai un peu de mal à me retrouver dans les différentes familles et puis j’ai été de nouveau transportée à Naples.
On retrouve dans ce dernier tome la violence de la société, la violence du quartier, la violence d’une époque mais aussi la violence qui anime les personnages d’Elena Ferrante et qui se traduit par une écriture jamais tiède. On retrouve aussi cette ambiguïté dans les relations entre Lila et Elena (entre fascination et répulsion, amour et haine, admiration et déception) et aussi au sein même des personnages. J’aime particulièrement la façon dont l’auteure nous parle de ces deux femmes devenant mères à nouveau, aimant à la fois leurs enfants et prêtes à tout pour eux mais les fuyant quand l’occasion se présente pour exister en tant que femmes et se comportant de manière parfois « irresponsable ».
Cette ambivalence se retrouve sur bien des points et c’est pour moi une des grandes forces de cette saga. Et puis il est question d’amour, de fidélité et d’infidélité, de tremblement de terre, de vieillesse et de maladie, de corruption, de racines, de tout ce qui constitue la condition humaine !
Elena Ferrante nous embarque dans de nouveaux drames personnels et dans de nouvelles pages de l’histoire. Elle nous bouscule, émeut, questionne et même si j’ai ressenti une certaine tristesse en lisant le dernier mot de L’enfant perdu, la boucle est bouclée.
Guatanamo Kid
Mohammed El-Gorani n’a pas plus de 14 ans lorsqu’il quitte son pays natal, l’Arabie Saoudite, pour étudier l’anglais au Pakistan. Peu après les attentats du 11 septembre 2001, il est arrêté et transféré vers la base militaire américaine de Guantanamo Bay à Cuba. Il va passer 8 ans dans ce bagne où le droit n’a plus court, 8 ans jusqu’à ce que son innocence soit reconnue.
Vous vous dites peut-être que le pitch de départ de Guatanamo Kid est un peu exagéré sauf qu’il s’agit d’une histoire vraie et c’est d’autant plus glaçant. On note au passage que si Mohammed veut quitter son pays c’est parce qu’il est d’origine tchadienne et qu’il n’a, de ce fait, pas accès en premier à l’école, n’a pas le droit d’ouvrir un commerce et, même en vivant des années en Arabie Saoudite, est toujours vu comme un étranger.
En lisant Guatanamo Kid, j’ai bien-sûr pensé à S’enfuir, récit d’un otage de Guy Delisle car il est question dans les deux cas d’enfermement, de prison et de comment tenir quand on n’a peu d’espoir. Sauf que Mohammed n’est qu’un gamin et qu’il subit un traitement bien pire que cet otage. Torturé, battu, humilié, placé en isolement, Mohammed El-Gorani ne courbe pourtant jamais l’échine, ne manquant pas une occasion de mettre ses bourreaux face à leurs actes.
La guerre (car il s’agit bien d’une guerre après le 11 septembre) justifie-t-il d’oublier toute humanité ? la torture est-elle justifiable selon certaines situations ?
Mohammed El-Gorani finit pour être libéré mais sa vie n’est pas pour autant plus paisible comme nous le raconte l’auteur dans le texte » La vie après Guantanamo » qui suit le roman graphique. Alors qu’il a été probablement vendu aux américains à qui il fallait des coupables, Mohammed porte toujours le soupçon d’avoir été un terroriste et fuit de pays en pays. Il porte, de plus, de nombreux séquelles physiques de ces mauvais traitements. J’espère qu’il finira par trouver (et avant d’être tout à fait usé) une vraie terre d’accueil.
Et vous, dans quel endroit avez-vous voyagé dernièrement grâce aux livres ?