Il y a une rencontre que je n’oublierai jamais dans ma vie, c’est celle avec Philippe Conticini en 2013 lors de la coupe du monde de pâtisserie au Sirha. Il avait échangé un long moment avec Louise de Raids pâtisseries, Rose de Rose and Cook et moi même avec une passion, une disponibilité et un sens de la transmission remarquables. Alors quand dans son livre, Cochon de lait, je suis tombée sur cette phrase :
Donner aux gens ce que j’aurais tellement rêvé que l’on me donne étant jeune.
J’ai repensé à ce moment incroyable.
Avant cet échange, j’avais goûté un de ses gâteaux, son fameux Paris Brest, ce grand classique que je n’aimais pas car trop marqué par le goût de la crème au beurre…jusqu’à ce que je déguste un jour le sien (avec 70% de beurre en moins ) et que je tombe à la renverse.
Philippe Conticini c’est aussi ce chef pâtissier qui s’est toujours distingué (pour moi) par -le mot est galvaudé à force d’être utilisé à toutes les sauces – sa bienveillance face aux candidats de l’émission Le meilleur pâtissier. De tous les chefs invités, dans différentes saisons, c’est lui qui m’a le plus frappé par le temps passé à prodiguer des conseils, par sa pédagogie, par sa gentillesse.
Alors lorsque j’ai eu , sous les yeux, son dernier livre qui n’est pas un livre de recettes, j’ai lu sans pouvoir m’arrêter ses souvenirs d’enfance et de jeunesse, son parcours, ses expérimentations, ses doutes, ses blessures, ses hauts et ses bas.
Cochon de lait s’ouvre sur ce qui a provoqué un jour une véritable extase gustative :
« Le terme risque d’en déconcerter plus d’un mais je jure que j’ai un véritable orgasme.«
Par la suite, Philippe Conticini fera tout pour éprouver et provoquer » ces mêmes frissons exquis » à travers la pâtisserie.
Cela va paraître brumeux-mystique mais au delà de son génie, il y a toujours eu quelque chose qui m’a touché chez Philippe Conticini. Est ce sa sensibilité exacerbée ? ou tout ce qui est tu mais qui transparaît quand même : sa solitude enfant qu’il comble par la nourriture, ce manque de confiance qui l’a accompagné longtemps même lorsqu’il était reconnu par les plus grands, ce besoin de faire plaisir aux autres qu’il raconte dans Cochon de lait ? Ce qui est sûr est, que ce portrait en creux, rend l’homme encore plus attachant.
Frappant de constater que l’on peut être au sommet professionnellement mais au plus bas personnellement. Touchant de voir que l’on recherche toujours l’approbation, la reconnaissance, l’amour de ceux même qui ont passé leur vie à vous rabaisser…même lorsqu’on est un génie de la pâtisserie.
Pâtissier est un métier difficile, dur et Philippe Conticini le montre aussi. Sa force, sa capacité de travail énorme lui ont sûrement sauvé la vie en 2010.
Et puis Cochon de lait est un livre « sensuel ». Lorsque Philippe Conticini parle des plats de son frère ou de sa mère, j’étais comme assise avec lui en train de les goûter. Lorsqu’il parle de desserts, de ses jus courts de fruits, de ses croquettes au chocolat, de sa tarte tatin, j’ai salivé.
Au passage, le chef pâtissier nous donne une leçon de dégustation que je vais essayer d’appliquer à l’avenir. Plutôt que d’être frappé par une saveur particulière dans un dessert, il écrit :
« Pour multiplier par dix les sensations, je n’ai qu’une devise : toujours mélanger dans la bouche, pas dans l’assiette. »
« Ce qui m’agite c’est surtout le goût global. »
En connaissant plus l’homme et son histoire à travers Cochon de lait, on comprend mieux pourquoi aujourd’hui sa boutique s’appelle Gâteaux d’Émotions.