Observer ses yeux revenait à regarder un ruisseau où une pierre a été lâchée et qui forme une nuée, un panache de limon qui ensuite se dépose.
Direction Londres dans les années 1880 avec le dernier roman de Joseph O’Connor, Le bal des ombres. Bram Stoker (auteur du livre Dracula qui a un succès énorme seulement après sa mort) est gratte papier au château de Dublin et écrit, en dehors de ses heures de travail, des critiques de théâtre pour la presse. Fervent admirateur de l’acteur Henri Irving (qui a aussi existé), il écrit un jour un papier élogieux à son sujet et est alors convoqué par ce dernier. Il est alors embauché comme administrateur du théâtre Lyceum (en ruines) et part pour Londres. Le bal des ombres suit le destin et les rapports complexes de cet écrivain, de cet acteur et d’Ellen Terry, actrice londonienne. Il dresse aussi le tableau de Londres à cette époque.
Pourquoi j’ai aimé Le bal des ombres ?
Non seulement Joseph O’Connor s’affranchit d’un découpage chronologique classique mais il mêle lettres, enregistrement de radio, récit, passant d’un registre à l’autre sans accroc et sans nous perdre, nous lecteurs.
L’auteur mêle aussi les tonalités : mystérieuse, ténébreuse, sombre quand Londres vit dans la peur depuis qu’un homme assassine des jeunes femmes dans un quartier pauvre de la ville. Au théâtre, un fantôme erre dans les couloirs et on ne s’aventure pas certaines parties du dédale.
Tragique parfois face aux coups durs vécus par les protagonistes, drôle aussi, en particulier dans les dialogues particulièrement incisifs et savoureux.
Et puis les personnages sont à la fois hauts en couleur et complexes, à la fois diamétralement différents et incroyablement proches dans ce désir de reconnaissance, dans cette manière de se nourrir de ce qui les entoure pour créer.
Pour finir de vous convaincre, je vous invite à écouter la traductrice de Joseph O’Connor, Carine Chichereau (elle a un sacré « portefeuille » d’auteurs). Elle explique en quoi l’enfance de l’auteur a eu un rôle très important sur ce livre, ce qu’elle aime dans ce roman et tous les défis de traductrice auxquels elle a été confrontée. Passionnant !
Je n’ai pas encore eu le temps de l’écouter mais Mauvais Genres a consacré une émission à Joseph O’Connor et au Bal des ombres.
Le bal des ombres, Joseph O’Connor, Rivages