Passion simple d’Annie Ernaux
Elle attend. Elle attend qu’il lui téléphone, elle attend leur prochain rendez-vous. Toutes ses journées, toutes ses heures, toutes ses minutes sont tendues vers cette attente. Elle craint même de passer l’aspirateur car avec le bruit, elle pourrait rater son coup de fil.
Elle n’explique pas vraiment pourquoi lui, pourquoi il la met dans cet état mais le sait-on vraiment ? Cet homme reste un étranger mais elle écrit :
» J’avais le privilège de vivre depuis le début, constamment, en toute conscience, ce qu’on finit toujours par découvrir dans la stupeur et le désarroi : l’homme qu’on aime est un étranger ».
J’avais entendu dire que l’ écriture d’Annie Ernaux allait à l’essentiel, était sans fioriture, était une écriture à l’os. Comme j’aime me perdre dans les digressions de Philippe Jaenada, dans les longues phrases de Stefánsson, j’avais peur de ne pas accrocher. Et puis j’ai ouvert Passion simple et j’ai aimé son honnêteté, son regard sans fard, son extraordinaire justesse. J’ai aussi été frappée par son analyse du temps. J’ai mis longtemps à me décider à lire Annie Ernaux (pourquoi ? je ne sais pas vraiment ) mais quel bonheur de lectrice de penser à tous les livres de cette écrivaine qu’il me reste à découvrir.
It’s a sin : une série chorale à Londres dans les années 80
J’aime les mini-séries (pas de risque de saison de trop, une intensité dramatique rassemblée sur quelques épisodes) et It’s a sin qui suit le destin d’un groupe de jeunes garçons homosexuels qui s’installent à Londres et qui va être frappé de plein fouet par le sida en est une.
J’ai aimé retourner dans les années 80, j’ai aimé la bande son, je me suis attachée à chacun des personnages, j’ai aimé le ton qui oscille entre rires et larmes. Après Years and years qui j’avais encore plus aimé car peut être plus ambitieux encore, le scénariste gallois Russel T. Davies confirme son talent à nous raconter une histoire chorale.
A voir pour le casting, pour l’énergie, pour se souvenir ou pour apprendre comment les malades du sida étaient vus et traités comme des pestiférés, pour l’analyse psychologique des personnages toujours très fine.
Bagdad Central : un thriller dans l’Irak occupé
Encore une mini-série puisque Bagdad Central ne compte que 6 épisodes de 47 minutes. Elle qui nous plonge en Irak en 2003, à l’époque où le pays était occupé par la Coalition (portée par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne) après le renversement du régime de Saddam Hussein.
La grande découverte de Bagdad Central pour moi c’est l’acteur principal, Waleed Zuaiter. Comme dans certains romans, le scénariste britannique Stephen Butchard mêle drame intimiste (un homme tente de retrouver sa fille, étudiante) et page de l’histoire (pas de plus glorieuses, plongé au coeur d’un Bagdad sous contrôle américain et anglais, on se demande un peu sous quel prétexte des puissances occidentales s’octroient le droit de tout contrôler et on comprend comment mille et une situations quotidiennes peuvent entraîner la rancoeur, la colère voire la haine des irakiens).
J’ai aimé me sentir un peu perdue entre les luttes d’influence entre américains, anglais, mercenaires et irakiens, dans cette intrigue dont on saisait les tenants et les aboutissants au fil des épisodes. J’ai aimé aussi le portrait de ce père, cet homme ni tout blanc ni tout noir, qui aimerait se racheter des erreurs de son passé (son fils, opposant au régime de Sadam Hussein, a été exécuté) et « sauver » ce qu’il reste de sa famille. Bagdad Central est aussi le tableau d’une société où tout le monde soupçonne tout le monde, où le sentiment de sécurité n’existe plus, où chacun est tenté de se faire justice soi même quand tout dysfonctionne.
Tendu mais mélancolique aussi parfois, Bagdad Central montre une poignée d’hommes et de femmes rêvant de liberté après la fin d’une dictature mais soumis à une réalité loin de leurs idéaux.