Je ne connais de Maggie O’Farrel que ses écrits mais je l’imagine comme une écrivaine se lançant des défis. Après avoir relevé très haut la main avec I am, I am, I am l’exercice de ce que je nommerais l’anti-biographie (elle parlait de sa vie à travers toutes les fois où elle a frôlé la mort), Maggie O’Farrel s’attaque avec Hamnet à un géant de la littérature anglaise : Shakespeare !
Pour que son récit soit enlevé et pas sentencieux, pour qu’il ne croule pas sous le poids du nom, jamais elle ne le nomme et c’est par les yeux de son fils, dont l’existence reste peu connue et les causes de sa mort incertaines, qu’elle s’attaque à ce génie des lettres de l’Angleterre élisabéthaine.
Est-il seulement le personnage principal d’Hamnet ? N’est pas plutôt Agnès (Anne Hattaway, femme de Shakespeare) ? Son portrait de femme libre, indépendante, traitée de sorcière car elle soigne avec les plantes et a des dons de médium, est bouleversant face au deuil de son enfant. Est-ce Hamnet lui-même, lui qui, dans la scène inaugurale du livre, court de pièce en pièce de la maison, pour chercher de l’aide alors que sa soeur est souffrante ?
L’une des forces de Maggie O’Farrel est de nous plonger dans la vie d’un jeune homme avec des désirs, des doutes, des peurs communs à bien d’autres jeunes gens et alors que l’intrigue se situe en 1596, dans la campagne anglaise, de rendre son récit profondément universel et touchant.
Maggie O’Farrel a voulu sortir de l’ombre ce petit garçon qui inspira la pièce Hamlet . A travers ce pan de l’histoire, elle écrit un magnifique roman sur l’amour entre deux êtres (superbe scène dans le grenier), la maternité et le deuil parental auquel il est impensable de survivre. Et puis viennent les mots, l’art pour ressusciter celui qui n’est plus, pour rapprocher ceux que le terrible chagrin éloigne et sépare.
J’avais très peur d’être déçue car je pensais que le sujet me tiendrait à distance. J’y ai vu au contraire des parentés avec notre époque comme cette puce qui transmet la peste de continent en continent avec les navires transportant des marchandises (cela égratigne l’idée que le covid serait lié à la mondialisation).
J’avais peur d’être moins enthousiaste que tous les très bons retours lus et au contraire j’ai aimé Hamnet bien plus que je ne l’aurais cru et j’ai pleuré comme si je perdais moi même cet enfant.
A lire absolument !