Il parait que S’adapter est un conte, d’ailleurs le « narrateur » ce sont les pierres immuables qui forment un muret devant la rivière où se situe l’histoire. Moi les romans qui sont des contes avec des personnages de méchant et de gentil comme dans les livres de Franck Bouysse, je ne rentre pas dedans. Mais ce roman de Clara Dupont-Monod ne m’a pas laissé en dehors car les personnages, je les ai trouvé, au contraire, tout en nuances.
Bientôt, les parents parleraient de leurs derniers instants d’insouciance or l’insouciance, perverse notion, ne se savoure qu’une fois éteinte, lorsqu’elle est devenue souvenir. »
Cette insouciance, la famille au coeur de S’adapter, elle la perd le jour où le diagnostic tombe : l’enfant qui est né il y a peu ne parlera jamais, ne marchera jamais, ne verra jamais. Chacun des membres va s’adapter à cette situation qui ne pourra pas changer mais alors qu’habituellement le regard se porte sur les parents, l’auteure choisit de braquer son projecteur sur l’aîné et la cadette (qui ne sont jamais nommés autrement que par leur place dans la fratrie).
L’un , l’aîné, casse-cou, meneur de bande, devient un frère attentionné, protecteur, qui liera aussi toute sa vie le bonheur à la peur de la perte. L’autre, la cadette, ressent de la colère face à cet « être à mi-chemin » qui l’isole, qui lui « a pris aussi son grand frère » et de la culpabilité de ne pas l’aimer.
L’auteure suggère combien leur attitude vis à vis de cet enfant handicapé déteint sur tout : leur appréhension de la nature et de la montagne omniprésente dans le roman, leurs rapports aux autres et en particulier aux parents.
Et quelle place reste-t-il quand on naît alors petit dernier ?
Dira-t-on un jour l’égalité que développent ceux que la vie malmène, leur talent à trouver chaque fois un nouveau équilibre, dira-t-on les funanbules que sont les éprouvés ?
Sur un sujet aussi casse-gueule que l’handicap, Clara Dupont-Monod déroule une écriture très sensible à la fois dans l’analyse des sentiments et ressentis des membres de cette famille et dans la description de ces montagnes des Cévennes dans toute la richesse sensorielle qu’elles offrent comme un réconfort, un refuge.
Si comme moi, vous vous demandez comment cette histoire est née, l’écrivaine a répondu à cette question dans cette émission de France Inter .