Peut-on choisir une lecture juste pour son titre ? Comme j’ai comme règle de ne pas lire (ou vraiment en diagonale) la quatrième de couverture (je déteste quand je sais déjà les 3/4 de l’histoire d’un livre, c’est comme les bande-annonces de films qui nous montrent souvent les plus belles scènes, quel dommage !), le titre peut être un élément déclencheur. Et puis pour être honnête, Les gens de Bilbao naissent où ils veulent je l’ai vu dans les coups de coeur de la librairie Vivement Dimanche (et pour être encore plus honnête, il est court et je voulais un livre que je pouvais lire en un aller-retour en train). Bref j’ai plongé dans cette auto-fiction sans savoir ce que Maria Larrea allait me raconter ni qu’elle était réalisatrice et cinéaste.
J’ai été vite frappée par sa façon de raconter avec un art pour la chute en fin de chapitre, raconter l’histoire de Dolores puis de Victoria, la mère de l’auteure, raconter l’histoire de Josepha puis de Julian, son père. Je n’ai pas lâché le livre, retenu par l’écriture vivifiante, fougueuse, avec un vrai sens de la formule de Maria Larrea :
Les onze enfants de Dolores et Santiago formaient l’équipe de foot du malheur. Victoria était la gardienne des buts, elle encaissait les coups.
Même si j’ai une légère préférence pour la première partie du roman, portrait haut en couleurs, malgré le côté tragique de leur vie, des parents de l’écrivaine à la seconde partie, une fois plongée dedans, j’avais envie d’aller jusqu’au bout.
Je crois que je ne peux pas vraiment comprendre l’épreuve par laquelle Maria Larrea est passée, comprendre pourquoi cela prend toute la place et pendant si longtemps. Mais avec elle, j’ai ri, j’ai reconstitué le puzzle de sa famille, j’ai été émue.
Quand on a parlé de son histoire dans un premier roman, de quoi parle-t-on dans le prochain ? En tous cas, j’espère relire la plume vive et juste de Marie Larrea.
J’ai lu aussi …
Le coeur arrière d’Arnaud Dudeck est l’histoire d’un jeune garçon que rien ne prédisposait à devenir sportif de haut niveau et qui va peu à peu organiser toute sa vie autour de la compétition et de l’athlétisme. J’ai zéro esprit de compétition, le sport ne m’intéresse pas vraiment (voir pas du tout) mais je me suis laissée prendre par le portait de Victor. Je ne sais pas si cela donne d’ailleurs vraiment envie de se jeter cœur et âme dans un sport de compétition tant le sacrifice est grand et la récompense pas immense (tout sportif n’est pas une star médiatisée comme dans le football).
Le coeur arrière avec une plume concise et sensible s’interroge sur les motivations (il est toujours question, il me semble, de reconnaissance, de rendre fier quelqu’un qui ne l’exprime souvent jamais), sur les ambivalences mais aussi sur la santé psychique de ces jeunes. Cet entraîneur qui adoube et conspue le lendemain est-il une figure de papier ou plutôt le reflet d’une triste réalité ? Que deviennent ces jeunes à qui on a demandé de tout sacrifier par passion du sport et qui font une sortie de route plus tôt que prévu suite à une blessure ?
Arpenter la nuit de Leila Mottley (question titre, celui-ci est magnifique non ?), un livre très dur qui reflète la brutalité du monde et en particulier la sordide affaire d’Oakland (ville californienne où se situe ce roman et ville où vit Leila Mottley). Derrière cette affaire, l’écrivaine rappelle en postface que d’autres affaires de violence à l’égard de jeunes femmes noires (et souvent pauvres) existent et font rarement l’objet de manifestations dans la rue. Ce roman est donc une façon pour elle de témoigner de cette réalité , de montrer à la fois la peur et le danger que vivent ces jeunes femmes au moment de la puberté et la possibilité malgré tout, de survivre et d’être heureuse à travers l’exemple de son héroïne Kiara.
Kiara, j’ai eu tellement envie de la tirer par la main quand je l’ai vu prendre les mauvaises décisions (et peut-être les seules possibles vu sa situation, c’est tellement facile de juger quand on est au chaud et dans le confort, entourée). J’ai eu tellement envie de secouer son frère, plus grand qu’elle mais qui semble si immature, si peu les pieds sur terre. Kiara est seule à se battre, bien décidée à ne pas être expulsée de son logement. Kiara, elle ne se plaint pas, elle serre les poings, les dents et elle crie à l’intérieur. Et même le jour où elle rencontre quelqu’un, née du bon côté elle, pour la défendre, tout n’est pas bien qui finit bien.
Résilience ou capacité à trouver ce qui l’accroche encore à la vie quand l’univers entier semble contre elle, Kiara tient debout pour Trévor, le fils d’une voisine qu’elle a quasi adopté, pour sa copine à qui elle cache tout pourtant, pour son frère. J’ai tourné les pages d’Arpenter la nuit, en vacillant avec Kiara et en priant pour qu’elle ne s’effondre pas.
Leila Mottley a obtenu le prix Pages des libraires au festival America pour ce roman écrit à 17 ans !