La première chose qui m’a scotchée dans le premier roman de Mathieu Persan, Il ne doit plus jamais rien m’arriver, c’est sa superbe illustration en couverture. En pâtisserie, je suis très sensible au visuel. C’est probablement vrai aussi en littérature, et c’est d’autant plus vrai depuis que je me suis mise au dessin et à la peinture. Les éditions P.O.L sont mal barrés, les couvertures avec un serpent inimaginables dans ma main ou sur ma table de chevet en bonne phobique que je suis. L’habit ne fait pas le moine (et l’esthétique d’une pâtisserie doit être à la hauteur de son goût sinon la déception est là) me direz-vous mais cet habit dont Mathieu Persan est l’auteur lui même, a captivé mon attention.
Dans ce roman autobiographique, Mathieu Persan a un emploi de bureau qui semble très ennuyeux. Si je pouvais échanger avec cet auteur, pour une fois, je ne lui sortirai pas cette phrase toute bête qui me fait fuir toute séance d’autographe « j’aime beaucoup ce que vous faites » (même si, spoiler, j’ai beaucoup aimé ce premier roman) mais je lui demanderai comment on fait pour passer d’un emploi de bureau à illustrateur pour la maison d’édition Gallmeister ou pour la table ronde avec Etés anglais de la saga des Cazalet (ou encore pour Benjamin Biolay !). Sur une échelle de rêves de 1 à 10, illustrer des livres pour de grandes maisons d’édition est pour moi à 10.
Non content d’être très doué en illustration, Mathieu Persan a sa musicalité bien à lui pour raconter la maladie de sa mère et tous les souvenirs familiaux que le deuil font réapparaitre. Le sujet peut vite être pathos et même si le paquet de kleenex n’était pas de trop pour moi, c’est un écueil que l’auteur évite en mariant humour, tendresse et poésie.
Les yeux eau de vaisselle, il fallait le savoir pour ne pas s’en offenser, c’était un compliment. Il s’agissait de cette couleur rare et indéfinissable entre le bleu et le gris.
Je ne vais pas le citer en extenso, même si j’en meurs d’envie mais il y a un passage très juste sur la pudeur qui créé un fossé, dans pas mal de situations, entre les choses qu’on aimerait dire (ok dans les films américains ils les disent, question de culture probablement) et celles qu’on dit vraiment.
Face à la maladie et au deuil, Mathieu Persan a cette capacité de transformer la réalité crue et triste en d’autres choses plus poétiques, de s’extraire des moments les plus difficiles pour arriver à les voir sous un angle plus drôle. Si j’avais Mathieu Persan en face de moi, je lui demanderai si cette capacité il l’a sur le champ, dans le feu de l’action ou s’il se rejoue la scène avec d’autres scénarii à posteriori.
J’ai aimé aussi la façon dont l’auteur joue avec les mots, soulignant les périphrases qu’on emploie comme pour adoucir certaines situations :
« Elle vient de partir »
Sur le coup, je crois que je ne saisis pas très bien le sens de ces mots. Je m’attends à ce qu’elle poursuive par un « Ah c’est vraiment pas de bol, vous l’avez loupé de peu. »
Elle vient de partir ? Mais ça veut dire quoi, vous surveillez pas les malades, dans votre hosto ?
Y a combien de temps ? Si on se dépêche, on peut peut-être la rattraper. .Et comme parfois, en répétant sans cesse des mots, on arrive peu à peu à les vider de leur sens, à les expurger complètement, pour qu’il n’en reste que leur musique, leur rythme, mais absolument plus rien de signifiant, je me répète en boucle « Maman est morte, maman est morte, maman est morte ». Mais loin de se vider de leur sens, les mots se remplissent, se tendent comme des ballons de baudruche, pour finalement éclater les uns après les autres. Et maman meurt, re-meurt, meurt à nouveau et meurt encore et encore.
J’ai pensé à la fois au Journal d’un vampire en pyjama et à Maintenant qu’il fait tout le temps nuit sur toi de Mathieu Malzieu (les deux auteurs s’appellent Mathieu, est ce un hasard ? y a t-il plus d’artistes parmi les Mathieu ? )) en lisant Il ne doit plus jamais rien m’arriver car au delà de la maladie, c’est un très beau portrait de mère et de famille.
Bref si Mathieu Persan était en face de moi, je finirais peut-être par lui dire « J’aime beaucoup ce que vous faites« .
Il ne doit plus jamais rien m’arriver, Mathieu Persan, éditions L’iconoclaste
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