Qu’est ce qui m’a donné envie d’ouvrir la bd « J’y vais mais j’ai peur, journal d’une navigatrice » alors que je ne connais absolument rien aux courses nautiques, que je ne suis pas leur actualité et que j’ai le mal de mer au moindre roulis ? Le titre d’abord ! C’est une expression que j’emploie de temps en temps quand il m’arrive d’expérimenter des choses qui m’effraient un peu (je n’ose pas donner d’exemples tellement je suis peu casse-cou et aventurière). Cette expression est tirée d’une scène mythique du film Les bronzés font du ski quand Nathalie (jouée par Josiane Balasko) doit descendre une piste (bleu ?) à ski et qu’elle répond à Popeye « j‘en peux plus, la neige elle est trop molle » avant de se lancer, de dire « ça va vite, ça va vite, ça va trop vite » et de se déboîter l’épaule en tombant. Bref je me suis dit qu’avec un titre pareil, la bd devait être au moins un peu drôle. La seconde raison c’est que bien que n’ayant pas le pied marin, j’aime beaucoup les fictions qui parlent de marins, de bateaux, de mer. Cet élément m’a toujours fasciné !
J’y vais mais j’ai peur : Embarquement immédiat
Pour se retrouver un jour en pleine mer, seule et pour trois mois, il faut être tombée dedans quand on est petite ou avoir une famille de navigateurs non ? Ce n’est pas le cas de Clarisse Crémer qui, longtemps, n’a pas su ce qu’elle voulait faire comme métier et a obéi aux chemins qui se présentaient à elle sans se poser des questions. Et puis un jour alors qu’elle bosse à Paris derrière un ordinateur, elle n’en peut plus, elle quitte la Capitale, rejoint son amoureux en Bretagne et comprend que la mer est son élément. A 27 ans, elle se lance dans sa première mini transat et une fois revenue sur terre, n’a plus qu’une envie : recommencer !
Etre motivée comme elle l’est et avoir toutes les capacités pour mener à bien ce genre de courses cela ne suffit pas. Comme souvent, malgré les discours « quand on peut on veut », pour aller au bout de son rêve, il faut de l’argent (et ici beaucoup d’argent car un bateau ça coûte cher) et un peu de chance. Clarisse en a puisqu’elle trouve un sponsor qui pense à elle pour le fameux Vendée Globe, ce tour du monde sans escale, sans assistance et en solitaire à bord d’un monocoque de 18m. Une course qui passe par la redoutée mer du Sud.
J’y vais mais j’ai peur nous raconte ainsi toutes les étapes de cette aventure incroyable depuis les préparatifs jusqu’à l’arrivée, au jour le jour, comme si nous étions à bord avec Clarisse Crémer, sauf qu’on est bien au chaud dans notre lit et qu’on ne risque pas de glisser sur le pont ou d’avoir le mal de mer (car oui on peut être une grande navigatrice et avoir quand même le mal de mer).
Avec humour et avec les très chouettes illustrations de Maud Bénézit qui nous guide dans toutes les spécificités techniques d’un bateau, dans la vie quotidienne à bord, on se glisse dans la peau de la navigatrice pour vivre les manoeuvres qu’elle doit effectuer, les réparations parfois mais aussi comment vivre une telle traversée moralement, physiquement et psychologiquement.
Un exploit mais des questionnements universels
Je ne suis pas sportive, en dehors d’une traversée pour aller en Corse, je n’ai jamais été sur un bateau longtemps mais certaines de ses réflexions ont trouvé en écho en moi. Tout ce qu’elle traverse comme doutes je les éprouve face au dessin que je considère aujourd’hui bien plus qu’un passe temps :
-les montagnes russes moralement (exaltation quand je suis contente d’un dessin suivi très vite de moment d’abattement devant tous les progrès à réaliser pour espérer un jour « sortir du lot »)
-les complexes devant les figures mythiques, les navigateurs pour Clarisse Crémer, les illustratrices et les illustrateurs qui en vivent pour moi
Sportive mais pas simpliste
Je crois aussi que si j’ai lu J’y vais mais j’ai peur avec autant de plaisir c’est que la femme derrière la navigatrice m’a plu. D’abord dans son récit, elle n’enjolive rien, elle est soit très forte d’avoir réalisé un tel exploit mais elle est très « humaine ». J’ai forcément pensé à la bd Dans la combi de Thomas Pesquet qui, là aussi, nous permet de vivre par procuration quelque chose d’extraordinaire mais par comparaison, Thomas Pesquet (bien que sympathique) m’a paru beaucoup plus comme une figure héroïque que comme un être humain dont je pourrais me sentir proche.
Autre point à signaler : Clarisse Crémer ne tombe jamais dans un discours simpliste, que ce soit lorsque les journalistes aimeraient qu’elle donne LA raison pour laquelle elle fait le Vendée Globe ou quand elle réfléchit aux conséquences « Autre point à signaler : Clarisse Crémer ne tombe jamais dans un discours simpliste, que ce soit lorsque les journalistes aimeraient qu’elle donne LA raison pour laquelle elle fait le Vendée Globe ou quand elle réfléchit aux conséquences écologiques d’une telle course et aux solutions possibles pour répondre aux enjeux environnementaux.
Bravo à Clarisse Crémer et Maud Bénézit pour cette bd qui a été aussi une sacrée aventure (lisez la postface !) et maintenant je vais suivre la navigatrice dans le prochain Vendée Globe 2024 !
1 Comment
Pingback: Les gardiens du phare : pourquoi il faut lire ce roman anglais ?