C'est un beau roman

Pour toutes celles et ceux que les phares fascinent

Bien que j’aime la mer surtout depuis la terre (pas vraiment le pied marin malheureusement), j’aime aussi tout son « univers » : les ports, les bateaux, les coquillages, les marées, les histoires de naufrage, les phares, les rochers, les falaises. Ainsi de passage au Musée national de la Marine (un musée que je compte bien visiter lors de ma prochaine escapade parisienne), mon cher et tendre m’a ramené de la librairie boutique dédiée au fait maritime (le genre de lieu où je pourrais passer des heures), un roman : Les gardiens du phare d’Emma Stonex.

Les gardiens du phare : un roman inspiré d’une histoire vraie

Manie ou réflexe, très souvent lorsque je suis en train de lire un livre, je me renseigne parallèlement sur certains détails. Ainsi j’ai voulu savoir sur le phare de Maiden Rock existait vraiment, je suis tombée sur un article du journal Sud Ouest, qui explique que la romancière Emma Stonex s’est inspirée d’un mystère irrésolu, la disparition de trois hommes au large des Highlands. Le 12 décembre 1900, le phare d’Eilean Mòr, en Écosse, s’est éteint et personne n’a jamais revu ses trois gardiens.

Wikipedia : CC BY-SA 2.0

D’après la page Wikipedia sur laquelle j’ai trouvé la photo ci-dessus, cette disparition a inspiré, avant Emma Stonex, le film Keepers en 2018 (voici la bande annonce en anglais si cela vous intéresse, j’ai découvert en la regardant que Peter Mullan était au casting, un acteur que j’aime beaucoup) et la chanson The mystery of the Flanan Isle lightouse du groupe Genesis.

Emma Stonex a ainsi transposé cette histoire mystérieuse en 1972 dans les Cornouailles.

Pourquoi j’ai eu du mal à lâcher Les gardiens du phare ?

  • La construction. Emma Stonex alterne non seulement les points de vue (ceux des trois gardiens et ceux de leurs femmes) mais aussi les époques (1972 et 1992 lorsqu’un écrivain interroge ces trois femmes pour les besoins de son livre)
  • Le lieu : les phares ont nourri bien des fantasmes loin de la réalité, aujourd’hui ils sont tous automatisés, n’empêche que ce phare en pleine mer à l’aspect inquiétant est un formidable terrain de jeu pour l’imagination
  • Le huit-clos. Lorsque je pense à la mer, je pense horizon infini, voyage, lointain, liberté. Le phrare est une boussole dans la mer mais c’est tout le contraire. On ne peut s’empêcher de le comparer rapidement à une prison dont on ne peut s’échapper (construit au milieu de rochers où la mer est déchaînée, il est même difficile d’y accoster), une prison où l’on se rend de manière volontaire. Comment garder toute sa raison quand l’espace vital est somme toute très limité, qu’on ne peut sortir se dégourdir les jambes et qu’on partage des pièces exiguës et un quotidien constitué de petites tâches répétitives avec deux autres personnes ? J’ai aussi pensé au Covid lorsqu’on était assigné à résidence mais sans Netflix, sans wifi, sans téléphone ni même possibilité de passer le temps en préparant du pain 🙂
  • La documentation de ce roman. Les gardiens de phare se lit comme un thriller mais on apprend plein de choses sur la façon dont un phare est agencé, à quoi ressemble une journée et une nuit à l’intérieur, comment on se nourrit, quelles choses on doit vérifier, noter…tout cela par le biais de la fiction. Addictif quand on est déjà fasciné par les phares (quand on pense ne serait-ce qu’à leur construction en pleine mer, comment cela a-t-il été possible ? combien d’hommes y ont laissé leur peau ?) !
  • La richesse de la psychologie des personnages. Que ce soit Arthur le gardien chef, Vince le tout jeune gardien ou Bill qui n’aime pas la mer mais a choisi tout de même ce métier, on apprend au fil des chapitres leur place, leur façon de vivre cette solitude choisie et en quoi leur passé joue sur leur destin. Du côté des femmes, on aurait pu penser que ce drame rapprocherait Helen, Jenny et Michelle mais il n’en est rien. Là encore, l’habilité scénaristique d’Emma Stonex dévoile les raisons de cet éloignement.
  • Le suspense ! L’écrivaine le maîtrise à merveille, elle m’a tenu en haleine pendant 400 pages pour livrer sa version de cette disparition (avec pas mal d’éléments étranges que je vous laisse découvrir)
les gardiens du phare

Quelques extraits pour vous donner envie de pénétrer dans ce phare

Allumer la lampe, faire le ménage, la cuisine, appeler les autres phares pour vérifier que tout va bien. S’assurer qu’il n’y a pas de problème entre toi et les autres, parce que c’est le genre de truc imprévisible. Il faut que l’ambiance reste bonne et à mon avis c’est le plus important. Il faut s’entendre avec les autres, sinon ça devient comme un virus, ça se propage et se multiplie et le temps de comprendre ce qui se passe, on est tous contaminé, la gangrène s’est installée et il n’y a nulle part où aller (p105)

La première fois que ses lèvres ont touché les miennes, on aurait dit un flocon de neige traversant la lumière du phare. (p163)

Dans la pénombre, il l’attira à lui, ou elle se laissa aller contre lui, difficile de dire : en tous cas, ils restèrent l’un contre l’autre, sa joue contre la sienne et la pièce parut vibrer autour d’elle alors que le plafond s’envolait. (p195).

Les gardiens du phare, Emma Stonex, le livre de poche, 2024, 400 p.

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