J’ai emporté dans ma valise en Bretagne plusieurs romans de la rentrée littéraire 2024. Comme je ne voulais des livres pas trop lourds, ils sont plutôt courts et majoritairement du domaine français (je ne sais pas si cela est liée à la traduction mais j’ai l’impression que les romans étrangers -ou peut-être ceux qui arrivent en France- sont forcément épais).
Les stripteaseuses ont toujours besoin de conseils juridiques : le plus jubilatoires
Ian Levison contredit mon introduction puisque ses romans (en tous cas les derniers et dans mes souvenirs) sont relativement courts (autour de 200 pages). Dans son dernier opus, Justin Sykes est avocat commis d’office. Il travaille beaucoup pour un salaire peu élevé alors lorsqu’on lui propose de passer une heure payée 1000 dollars dans un club de strip-tease pour donner aux danseuses des conseils juridiques, il n’hésite pas longtemps avant d’accepter.
La suite, je ne vous la raconterai pas mais j’ai retrouvé tout ce que j’aime chez cet auteur dans ce roman : un ton à la fois désabusé et drôle, de l’humour noir, des personnages qu’on n’oublie pas, une critique féroce de la société américaine. Dans Les stripteaseuses ont toujours besoin de conseils juridiques, j’ai aussi appris plein de choses sur les dessous du système judiciaire américain. Bref à lire absolument !
La notion de délit est géographique. Ce ne sont pas vos actes qui caractérisent le crime mais l’endroit où vous vous trouvez. La morale et toute idée de bien et de mal, disparaissent de l’équation.
Jour de ressac : le plus nostalgique
Depuis Réparer les vivants que j’avais adoré, Maylis de Kerangal est dans la liste des écrivaines et écrivains dont je lis les romans quelque soit l’histoire, parce que son nom est déjà pour moi garant d’une qualité littéraire.
Dans Jour de ressac, la narratrice (un double de l’autrice ?) reçoit un coup de téléphone de la police du Havre. Un homme a été retrouvé mort sur la plage, il n’a pas de papier d’identité, mais seulement un ticket de cinéma avec le numéro de téléphone de la narratrice. Connaissait-elle cet homme ?
Cela pourrait être un polar mais c’est plutôt un retour aux racines, un retour aux souvenirs adolescents et aux blessures qui datent de cette époque, à ce qui lui a brisé le cœur. Même si la narratrice semble mener son enquête, c’est surtout un retour aux racines.
Jour de ressac est un portrait de femme mais plus encore le portrait d’une ville, le Havre. La guerre de 39/45 qui l’a détruite et a joué un rôle déterminant dans son identité aujourd’hui, trouve un écho, sous la plume de Maylis de Kerangal, aux bombardements en Ukraine. Pas mon roman préféré de cette écrivaine mais on retrouve sa plume précise et juste.
Magali : le plus autobiographique
Magali n’est pas vraiment une enquête sur un fait divers (et si vous connaissez bien les faits, vous risquerez d’être déçu(e) car on n’apprend pas grand chose en plus) mais plus un livre sur les coulisses d’écrivain et sur l’enfance de l’écrivain, le drame ayant eu lieu dans la ville où Caryl Ferey a vécu enfant.
J’ai bien aimé retrouver cette habitude d’écriture de Caryl Ferey : donner des surnoms animaliers aux personnes qui sont proches de lui ou qu’il rencontre. Poupée de sang est une éditrice spécialisée dans les affaires juridiques, Ourson cruel est son cousin, Valky Rit sa demi-sœur, Pélican Boiteux sa grand grand mère (elle boîte suite à une chute et « son cou est devenu molasson avec l’âge »).
On retrouve aussi l’autodérision propre à l’auteur et son humour (vous apprendrez au passage pourquoi ses parents l’ont appelé Caryl !). Mention spéciale au chapitre intitulé « le club des filles » consacré à ses premiers amours et émois, à la fois drôle et tendre !
fumeur de brumes qui écumait les bars du coin dans ses bottes en caoutchouc et sa 2 CV, qu’on retrouvait généralement de travers ou penchée sur le bord des routes (à propos de son grand père, qu’il appelle Gauloise dans le fossé)
J’ai toujours aimé raconter des histoires, comme si la réalité ne suffisait pas et qu’il fallait la rhabiller pour l’hiver.
Les hommes manquent de courage : le plus romanesque
Dans l’avant-propos de son roman, l’auteur, Mathieu Palain, qui est journaliste aussi, raconte que le livre est né d’une rencontre et de rendez-vous pendant un an avec une prof de maths. Je me suis demandée si cet avant propos était véridique ou s’il était là pour rendre « crédible » l’histoire qu’il nous raconte ensuite car le moins qu’on puisse dire c’est qu’il en arrive des choses à son personnage principal Jessie.
Jessie est prof de maths et elle a de gros soucis avec son fils Marco, qui veut s’émanciper alors qu’il a 15 ans, est renvoyé régulièrement de lycée pour insolence ou problème de comportement. Jessie n’a plus de contrôle sur lui. Une enquête des services sociaux est ouverte et Jessie craint qu’on lui enlève aussi sa fille de 4 ans, Nora. Une nuit Marco appelle sa mère en lui demandant de venir le chercher urgemment à une soirée. Le drame qui a eu lieu est le début d’un « road trip » mère/fils où elle va lui raconter son passé et tous les accidents de la vie qui ont eu forcément une incidence sur leur relation.
Le parcours de vie de Jessie et sa vie sexuelle particulièrement mouvementée m’a semblé « too much » et j’ai vu aussi pas mal d’incohérences dans le récit. Ce que j’ai trouvé très juste c’est la finesse des dialogues, le portrait de l’adolescent rebel à toute forme d’autorité (j’ai eu l’impression de voir mon fils parfois !) et sa même capacité à me faire partir au quart de tour 🙂
Maintenant je vais me tourner vers les gros romans étrangers pour continuer à m’évader malgré la reprise !