Je me suis demandée en commençant la lecture des âmes féroces de Marie Vingtras pourquoi cette écrivaine française (qui a eu le prix des libraires 2022 avec Blizzard son premier roman et le prix du roman Fnac 2024 avec celui-ci) avait choisi de camper son intrigue dans l’Amérique profonde, dans une petite ville de 3974 habitants, Mercy.
Peut-être rêvait-elle que naisse sous sa plume un personnage féminin de shérif et forcément pour cela il fallait être en Amérique. Peut-être qu’elle voulait nous montrer que Lauren, Seth, Benjamin, Emmy et Léo habitaient peut-être à des milliers de kilomètres de nous, lecteurs, mais qu’ils partageaient les mêmes questionnements, les mêmes envies et désillusions, les mêmes sentiments.
Les âmes féroces, de quoi ça parle ?
Mercy a tout d’une ville tranquille, sans histoire où tout le monde se connait ou croit se connaitre.
« Je l’ai embrassé sur le front, rien de plus en public parce qu’il y a toujours quelqu’un dissimulé derrière un rideau pour épier ce curieux couple, la shérif taciturne et sa compagne. »
Mais voilà que le cadavre d’une adolescente est découverte dans la rivière. C’est par la voix de Lauren, la shérif de la ville que s’ouvre cette histoire au printemps.
Dès le début, Marie Vingtras installe des personnages peu banals comme Donegan, l’adjoint au shérif au physique imposant mais très émotif « au point que sa voix déraillait lorsqu’il parlait » et qui pleure souvent.
Et dès le début, elle montre que derrière l’apparence d’une ville où il ne se passe rien, la violence, les secrets, l’envie de fuir pour d’autres vies sont présentes :
Elle savait que je l’aimais tout entière, les parties lisses et les autres si furieusement abîmées qu’elles avaient l’apparence d’un papier kraft chiffonné.
Ce que j’ai aimé
- l’écriture très cinématographique
- la construction de l’intrigue en 4 saison (Printemps, Eté, Automne, Hiver) vécues par 4 personnages différents . Cela permet de voir d’avoir plusieurs points de vue non seulement sur l’histoire mais aussi sur les protagonistes, chacun remarquant des détails différents.
- cette forme de roman choral permet aussi de revenir sur des instants non vus précédemment. Par exemple Lauren a loupé l’interrogatoire du professeur Benjamin, considéré comme le meurtrier et lorsque dans la seconde partie, il raconte la suite de l’histoire, il revient sur ce moment.
- le ton change d’une partie à l’autre, la plus marquante pour moi étant la seconde partie qui installe une atmosphère très tendue de prison.
- l’enquête n’est pas au cœur de ce thriller (même si on a envie de savoir comment Léo est morte), Les âmes féroces est un portrait d’hommes et de femmes terriblement humains et imparfaits.
« Qu’est ce que c’est cette ville dont les habitants détestaient à ce point la littérature ? » (Benjamin)
« Sa (à propos de sa mère) pelouse est vert tendre, elle a veillé à ce que le jardinier l’arrose comme si sa vie en dépendait, et puisqu’il n’a pas de papiers, d’une certaine manière, c’est le cas. » (Emmy)
Les âmes féroces, Marie Vingtras, Editions de l’Olivier, 267p.