Il est question de mémoire dans La ligne de nage de Julie Ostuka mais pas tout de suite, le roman étant construit en deux parties radicalement différentes. La première partie se passe dans une piscine, lieu régi par un ensemble d’habitudes et de règles que l’autrice décrit à merveille tout comme l’atmosphère. C’est tellement un univers à part pour tous les habitués qu’il est question plusieurs fois, par opposition de « là-haut' » (le monde quand on quitte cette piscine). Et puis une fissure apparait au fond de la piscine, l’inquiétude commence à poindre, puis les fissures se multiplient et la piscine ferme.
La seconde partie nous plonge dans la vie de la mère de l’écrivaine qui perd la mémoire peu à peu jusqu’à ce qu’elle rentre dans une maison spécialisée (ironiquement nommée Belavista).
Quel est le lien avec la première partie ? Cette mère était une des habituées de la piscine et si je voulais filer la métaphore un peu lourdement je dirais qu’elle n’est plus dans sa ligne de nage, que son esprit de fissure et se noie peu à peu.
Cette seconde partie m’a vraiment ému (j’ai très peur de perdre la mémoire et de finir comme sa mère, ce qui me semble le pire pour moi). Julia Ostuka suggère parfaitement l’absurdité du rigorisme imposé à ces gens qui vont mourir (j’ai toujours trouvé étrange de priver les personnes âgées des plaisirs qu’il leur reste sous prétexte de santé…quel est l’intérêt de vivre jusqu’à 100 ans en se privant de tout ce qu’on aime ?) et l’horreur de ce lieu où on décide tout pour vous comme si le fait d’être malade vous infantiliser totalement.
Comme ce poche m’a beaucoup plu, j’ai emprunté à la bibliothèque Certaines n’avaient jamais vu la mer. A suivre !