Faut-il avoir lu l’Arabe du futur pour lire Moi, Fadi, le frère volé, la nouvelle série en bande dessinée de Riad Sattouf ? C’est mieux car on retrouve des personnages qu’on connait sous un nouvel angle, on découvre des pans de l’histoire différents, complémentaires et cela créé un grand plaisir de lecture en soi-même. Pas indispensable car Riad Sattouf est un auteur très talentueux qui a pensé aussi cette série comme indépendante et pouvant se comprendre sans avoir besoin d’avoir lu l’Arabe du futur.
Si vous avez lu l’Arabe du futur, vous savez que le père de Riad Sattouf est reparti un jour en Syrie avec le plus jeune frère de l’auteur, que sa mère s’est battue pendant des années pour son retour en France et que les retrouvailles ont eu lieu bien plus tard.
Mais que s’est-il passé dans la vie de Fadi pendant toutes ces années loin de la France ? C’est cette partie du puzzle de l’histoire familiale que l’auteur choisit de raconter en adoptant le point de vue de son frère et en se basant sur ce que celui-ci lui a raconté lors d’entretiens réalisés en 2011 et 2012 (est ce qu’à cette époque Riad Sattouf savait déjà qu’il voulait faire de ce matériau une bande dessinée ? Il a tout de même attendu 12 ans…et la mort de son père visiblement).
Moi, Fadi, le frère volé s’ouvre avec les premiers souvenirs d’enfance de Fadi, une chasse aux oeufs dans le jardin de sa grand-mère en Bretagne. On retrouve tout de suite des caractéristiques de l’écriture graphique de Riad Sattouf : la colorisation des cases en fonction des émotions ressenties par les personnages. Ainsi dans les premières cases, Fadi et son environnement baignent dans une teinte jaune chaude qu’on peut traduire comme la douceur (la grand mère est aussi nimbée de ce jaune) alors que la violence, les cris de ses frères se traduisent par une case colorée de rouge.
La mère est beaucoup plus présente dans cet album dans que l’Arabe du futur où dans certains tomes elle paraissait passive, sans avis. Parce qu’elle pense que Fadi, très jeune, n’écoute pas les conversations qu’elle a avec sa mère et qu’elle n’en parle aux deux plus grands (dont Riad), on découvre ce qu’elle pense de son mari toujours absent » il m’indiffère totalement », sa ferme volonté de vivre sans lui et son manque d’indépendance financière qui explique qu’elle n’a pas divorcé plus tôt.
Et puis le père débarque à l’improviste, l’ambiance est très tendue à la maison. Je ne vais pas raconter la suite que j’ai trouvé réellement bouleversante, m’imaginant à la fois à la place de la mère et à la place de Fadi.
La seconde partie de la bande dessinée se passe en Syrie où Fadi, peu à peu, va se couler dans son nouvel environnement, son nouveau pays…jusqu’à réaliser un jour alors qu’il a 7 ans, qu’il ne comprend pas le français.
On retrouve dans Moi, Fadi, le frère volé, tout ce qui fait la saveur de l’écriture de Riad Sattouf : un sens indéniable du récit, une façon de dessiner les visages ou certains détails qui les rendent drôle, cette capacité à mêler tragique et humour, ce sens du suspense…car on referme l’album en voulant lire la suite !